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La balade de Spritz

Allegro ma non presto

De Lézardrieux à l'Aber Wrac'h

Publié le 9 Juillet 2020 par Anne-Catherine Deroux

30 juin

On lézarde à Lézardrieux… dans nos rêves les plus insensés ! Dans la réalité, on n’arrête pas une seconde. Repas, vaisselle, douche, mille et un brols à réparer, tenue du blog à jour, sans compter les clients du capitaine à dépanner à distance… Mais où sont donc passées les heures de la journée ?!

 

1er juillet

Paimpol et sa falaise inexistante ne sont qu’à quelques coups de pédale d’ici. Pourquoi ne pas faire un crochet par les villages avoisinants ? Nous crapahutons dans la campagne bretonne, guidés par ses hortensias. Bleu, je tourne à droite, rose, tu bifurques à gauche. On déniche ainsi Loguivy, petit village de pêcheurs face à l’île de Bréhat. La douceur de la pierre en bouclier à la rudesse de la mer. Nous tombons sous le charme. Je décide de finir mes vieux jours à Loguivy !

 

2 juillet

L’archipel des Sept Îles apparaît devant l’étrave. Sous leur vent, les flots s’apaisent. A bâbord, Ploumanach entasse ses boulettes de granit rose. Depuis que nous avons quitté Lézardrieux à 5h50 ce matin, et plus spécialement depuis les Heaux de Bréhat, je ne compte plus le nombre de bords que nous avons tirés. Mais cette côte est tellement magnifique que rallonger la route dans cette mer formée ne nous dérange pas trop. Et puis notre voilier va si vite… C’est même incroyable à quel point il est rapide ! Sur un bord, nous filons à 8 nœuds, sur le suivant nous flirtons carrément avec les 12 nœuds. Et tout ça contre le courant ! C’est absolument délirant. Spritz est une bombe supersonique de la course au large ! Il y a toutefois quelque chose qui me chipote. Un détail. Trois fois rien, vraiment. Mais tout de même…

— Pourquoi est-il indiqué « kmh » sur le loch ? Ça ne devrait pas être « nds » ?

On se regarde, incrédules…. Non ? Ainsi notre vitesse s’exprimait en kilomètres/heure et non en nœuds, soit une vitesse divisée par deux ? Fou rire estomaqué, gêné et désappointé. Si, si, je vous assure, ce genre de fou rire existe !

 

3 juillet                                                                                                                                                            

On ne peut accéder à l’île Milliau pour une balade pédestre qu’à marée basse, par la chaussée de rochers qui se matérialise alors. On pénètre dans un monde sauvage, préservé, un chaos de granit et de fougères démesurées. Un monde tel qu’on se l’imagine à ses débuts. Par leurs formes aléatoires, les rochers roses nous racontent des histoires. La charmante hôtesse de l’office du tourisme nous en a notamment mentionné un représentant une tête de bonhomme, qu’on ne pourrait pas louper. Alors, on se met en devoir de chercher. Et des bonshommes… on en voit partout !

— Celui-là, tu es sûr ? Tiens, moi j’aurais plutôt dit un dinosaure… Ceux-là ? Euh… non, mon cœur, je suis formelle, ça c’est une paire de… enfin… tu vois, quand même, non ?

 

4 juillet

Par temps pluvieux, on en profite toujours pour travailler un peu. Pour lire aussi. Nous avons embarqué à cette fin une bonne dose de victuailles littéraires que nous dégustons avec gourmandise. Le capitaine a porté son choix sur toute la série des Harry Potter. Quant à moi, j’ai préféré une sélection diverse, partant dans toutes les directions. Aujourd’hui, je range ainsi L’Evangile selon Pilate, d’E-E. Schmitt, avec les livres déjà lus, et je sors du placard Vingt Mille lieues sous les Mers, de J. Verne.

Ce soir, le capitaine me convie à une séance cinéma embarqué. Il a branché l’écran sur son pc portable et nous sélectionnons l’un des films téléchargés aimablement fournis par mon collègue avant notre départ. Ce sera Guillaume et les garçons… à table ! L’écran s’allume, nous tamisons les lumières de Spritz, la séance commence. Pendant une heure et demie, nous oublions complètement les rafales de vent qui sifflent au dehors.

 

5 juillet

Nous partons à la poursuite des mégalithes armoricains, dolmens, menhirs et autres pierres levées. Ça pousse ici comme des mauvaises herbes. Puis nous rejoignons la côte pour suivre le ballet des kite-surfeurs. Sur les plages truffées de rochers, des gourmets profitent de la basse mer pour récolter coques et palourdes. Qu’il doit faire doux de vivre dans ce paradis sur terre. Je décide de finir mes vieux jours à Trébeurden !

 

6 juillet                                                                                                    

On reprend la mer. Et, bien entendu, le vent est au près ! En baie de Lannion, la mer, bien qu’agitée, reste maniable. Mais tout change au large de Batz. La houle est tellement haute que l’île apparaît et disparaît au gré des vagues que nous escaladons. Heureusement, j’ai avalé avant de partir un petit cachet contre le mal de mer… Mais subitement le courant accélère. Contre le vent. La mer se creuse rudement. Tout à coup, des murs d’eau se dressent devant nous. C’est parti pour un tour de lessiveuse ! On se sent tout petits dans ces moments-là. Un coup nous ne voyons plus que du ciel, un coup nous plongeons à corps perdu dans un bouillonnement d’écume. Le bateau enfourne à n’en plus finir. Je crie, je jette aux flots mon plus grossier vocabulaire. C’en est trop pour moi.

— Plus jamais ça, tu m’entends ? C’est fini, j’arrête !! L’Aber Wrac’h sera ma dernière escale !

Mais la mer n’a pas dit son dernier mot. Il lui reste un tour à jouer. Et alors que nous nous apprêtons à sortir de Manche, voici qu’elle tire son dernier atout de la sienne. Juste après la tourmente, des traits blancs fusent sous la coque : un banc d’une dizaine de marsouins qui viennent jouer avec nous. Pendant plus d’une heure, ils nous rattrapent, nous dépassent, bondissent joyeusement, reviennent sans cesse à la charge, si proches que nous pourrions les toucher. Nous rions comme des enfants. J’en ai une larme émue à l’œil. Maudite mer ! Nous envoyer ses messagers les plus doux pour se faire pardonner sa violence… Que c’est bas ! Que c’est traître ! Que c’est beau !

La mer est une abominable maîtresse. Capable de nous jouer la pire des scènes et de revenir nous cajoler dans la seconde qui suit. Et nous, pauvres jouets humains entre ses mains capricieuses, tantôt rageant, tantôt suppliant, toujours épris, nous finissons toujours par lui céder. Elle en jubile, j’en suis certaine ! « Tu ne veux plus me voir, vraiment ? Pas de souci, je vais t’attendre… dans deux jours, tu me reviendras… » Mais cette fois, elle se trompe : dauphins ou pas, j’ai eu ma dose !

Une fois amarrés dans la sécurité du port de l’Aber Wrac’h, quand les écoutes sont bien lovées, les cirés pendus et l’électricité branchée, je m’écroule sur les coussins du carré. Enfin !

Puis, sans même m’en rendre compte, j’ouvre les cartes : « Bon alors… où est-ce qu’on va ensuite ? »

 

Pour les photos, cliquez sur le lien suivant :

 

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V
Passionnant. J'ai la tripe tout retournée au récit du passage de l'Aber Wrac'h. Je suis définitivement un terrestre. Faites quand même gaffe, hein ;-)
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A
Toujours... autant que faire se peut ;-) Merci, Vincent!!