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La balade de Spritz

Allegro ma non presto

De Port-Haliguen à Houat

Publié le 7 Septembre 2020 par Anne-Catherine Deroux in Les carnets du bord

21 août

Nous avions choisi Port-Haliguen car nous attendions une visite. Mais certainement pas celle que nous recevons ce matin ! A moins que nos deux moussaillons ardennais n’aient troqué leurs culottes courtes contre la stricte panoplie de gendarme ! Les affaires maritimes. Nous les avions vus mouillés dans la baie depuis la veille. En rigolant, j’avais dit au capitaine qu’ils attendaient certainement que la marée monte pour venir nous voir. Et les voilà ! Ils sont toute une clique à monter sur Spritz, pour un contrôle de routine. L’une pénètre rapidement dans le bateau, à la recherche sans doute d’un éventuel clandestin, tandis qu’un autre jette un bref coup d’œil dans les coffres. Pendant ce temps-là, leur chef sort la paperasse et l’interrogatoire commence... Mais, comme la première fois (c’était il y a 3 ans), tout cela se fait avec beaucoup de courtoisie, après nous avoir demandé notre accord, et dans une réelle bonne humeur. On en viendrait presque à leur proposer un verre.

 

Du 22 au 26 août

Nos moussaillons et leur maman sont enfin arrivés. Et cette fois, c’est un réel abordage. Il y a des sacs partout dans le bateau !! C’est une autre vie qui commence. Et si nous ne bougeons pas beaucoup (une courte navigation jusqu’à la Trinité-sur-Mer nous confirmant que ce nouvel équipage n’a vraiment pas le pied marin), ça n’en reste pas moins très prenant. C’est que ça demande de l’énergie, deux petits bouts dopés à l’enthousiasme et la curiosité ! Entre les tours en annexe dans le port, les balades, les crêpes, la pêche aux crabes (morts) sur la plage, et les douches pour tout ce petit monde, nous n’arrêtons pas une minute. Le capitaine apprend à petit moussaillon à diriger l’annexe et je montre à mini-moussaillonne comment faire un nœud simple. Mais pour l’un et l’autre, la grande affaire du siècle, ça reste la pêche, à la canne ou au filet. Même si les prises sont rares et minuscules. Et lorsque notre vieux voisin de ponton sort tout d’un coup un joli bar de l’eau, les yeux bleus de petit moussaillon en brillent d’extase. Et de lancer au vieux bonhomme : « Waaaaa, t’en as de la chance ! »

 

27 août

Les moussaillons ont quitté le bord. Nous pouvons nous reconcentrer sur les calculs complexes de navigation.  Car le Golfe du Morbihan est juste là, à deux brasses, tentant. Mais on n’y rentre pas sans avoir montré patte blanche. C’est une petite mer qui se vide et se remplit au rythme des marées par un étroit goulet. Les courants qui s’y créent sont impressionnants. Happés par le début du flot, c’est à 7h45 précises qui nous franchissons la porte de ce monde enchanté. Une mer à part, baignée d’une lumière irréelle, et parsemée d’un chapelet d’îles boisées. Impossible de s’y retrouver sans une bonne carte. C’est à se demander comment les goélands eux-mêmes y retrouvent leurs jeunes. Des voiliers au mouillage, il y en a dans tous les coins. Par endroits, le courant s’intensifie, s’égare, se bouscule au détour d’une île. On navigue alors dans une marmite bouillonnante. Quand ce ne sont pas les tourbillons qui nous déstabilisent. Le Golfe du Morbihan, il faut le vivre pour le croire. Et il faut le comprendre pour y vivre.

Très vite (trop vite ?), nous amarrons Spritz aux pontons flottants de l’Île-aux-Moines. En double. On aura du vent, cette nuit, ça va secouer.

 

28-29-30 août

Le coup de vent n’est pas totalement fini lorsque nous quittons l’île. Mais le capitaine a bien anticipé la manœuvre. Une marche arrière, une bonne risée Volvo et le tour est joué, sans avoir touché personne. Vannes n’est pas très loin, 6 milles à peine, et le flot nous y mène presque à lui tout seul.

Le port est au cœur de la ville. Nous nous y amarrons à couple d’un catamaran. Une petite famille vit à son bord. En route pour un voyage de trois ans, ils ont dû rebrousser chemin aux Antilles, à cause du virus qui paralyse le monde. On se partage nos anecdotes de voyage. Evoquant leurs conditions maritimes souvent difficiles, Steph, le capitaine, répète en boucle : « Ah non, décidément, l’homme n’est pas fait pour vivre en mer ! ». Mais quand on lui demande ses projets pour la suite, il n’hésite pas une seconde : « Y retourner, bien sûr ! Dès que cette histoire de virus sera derrière nous. »

 

31 août

Entre le continent et Belle-Île-en-Mer se trouvent deux petites îles qui nous font de l’œil depuis longtemps : Houat et Hoëdic. Nous les avions zappées à l’aller, redoutant l’affluence estivale. En ce 31 août, elles se présentent à nouveau devant nous au sortir du Golfe. C’est le moment où jamais. Nous pointons droit vers Houat. Nous pensions devoir y mouiller, mais Steph nous a assuré que le petit port de St-Gildas pouvait accueillir quelques voiliers comme le nôtre, sur bouées. Avec un peu de chance, nous pourrons peut-être y trouver une petite place. Et c’est le cas. Nous y trouvons même toute la place qu’on veut ! L’avantage de la fin de saison et d’un petit tirant d’eau… Au coucher du soleil, nous savourons presque sans parler notre repas dans le cockpit, bercés par quelques derniers cris d’oiseaux et la musique de Genesis que nous avons mise en sourdine. Presque seuls dans ce petit port aux allures de bout du monde. Aux dernières lueurs du jour succède la lune, qui se lève derrière l’île, orange, parfaitement ronde. Magie d’une soirée qui, à elle seule, justifie entièrement ce voyage.

 

Pour les photos, cliquez sur le lien suivant :

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